jeudi 18 septembre 2014

Tiki Pop à Branly : Sweet Home Polynesia

©Musée du Quai Branly
La mode du Tiki bat son plein en ce moment dans la Capitale. Les bars, tels que le Tiki Lounge dans le 11e, dont nous sommes clients réguliers, répondent au désir d’évasion, très parisien. Ce même désir, les américains l’ont éprouvé, mais il y a de cela presque un siècle, et ce jusque dans les années 60. Les Mers du Sud ont tout particulièrement suscité les fantasmes des navigateurs d’abord, puis ont contaminé l’imaginaire populaire d’une manière fulgurante. Le musée du Quai Branly a choisi l’été pour se pencher sur cette étonnante vogue polynésienne, dont l’immense influence n’eut d’égale que son anéantissement total dans les années 70. Enquête sur une Atlantide moderne que vous pouvez découvrir jusqu’au 28 septembre.


Comme beaucoup de phénomènes artistiques et autres naissances de mouvements, tout commence en littérature. L’exposition s’ouvre sur les récits de voyages de marins et artistes du XIXe siècle  – vous y trouverez les mémoires d’un certain Gauguin, dont le voyage en Mers du Sud a durablement marqué l’œuvre picturale. Ces livres relatent leurs expériences auprès des autochtones, au cœur d’une nature préservée : de quoi vendre du rêve à leurs compatriotes. Femmes nues alanguies sous le Soleil, fruits exotiques… Tout tend à signaler sur la mappemonde un paradis terrestre, que l’américain moyen ne demande qu’à découvrir. De là se développe une passion subite pour les hula girls, ce mythe vivant aux formes plantureuses, offert au regard concupiscent de l’Amérique pudibonde, qui, tiens donc, se met à tolérer la nudité.

Objet de culte, le Tiki est devenu un objet de mode sur tout le territoire nord-américain. Comme chaque effet de mode, il est ensuite tombé dans l'oubli... Jusqu'à maintenant ?


©Musée du Quai Branly
©Musée du Quai Branly
La déferlante s’abat véritablement sur la culture nord-américaine après la Seconde Guerre mondiale. Loin de décroître après la désillusion des jeunes soldats à Pearl Harbour, l’engouement des américains pour ces horizons lointains se cristallise dans le Hollywood des 1950’s. Le souffle polynésien embrase la Californie, puis le continent tout entier. Il transforme les bars, restaurants, cinémas, bowlings et autres lieux de détente en paillotte, comptoirs marchands ou temples dédiés à Tiki, demi-dieu symbolisant l’Homme, universel et puissant. Véritable logo du loisir à l’américaine en cette deuxième partie du XXe siècle, le Tiki, édulcoré et détaché de son aura sacrée, s’affiche partout : dans l’architecture du restaurant chic à la station-service du coin ; sur la forme des verres à cocktails, où toutes les starlettes sirotaient en gloussant leur Zombie ou leur Mai Tai, se sentant au summum du glamour. Non content d’envahir l’art, Tiki s’immisce dans le quotidien de Mr & Ms Smith, et l’imagerie populaire sent la fleur de tiare à plein nez. Jusqu’à l’écœurement.

©Musée du Quai Branly
On ne croirait pas comme ça, mais la magnifique collection d’œuvres d’art et de goodies réunie par Sven Kirsten était, durant plusieurs décennies, un continent englouti. Merci à ces chineurs des années 90 qui, fouillant patiemment les cartons pleines de vieilleries de leur voisin, ont permis aux générations suivantes de comprendre cette passion de leurs parents pour les îles, et de revenir aux sources premières de cette mode amusante : la véritable culture des archipels polynésiens.

©Musée du Quai Branly
On retrouve avec délice l’ambiance feutrée du Quai Branly, dans la mezzanine drapée de mystère, tout en lumières douces, pour l’occasion. L’exposition est aussi sobre dans sa scénographie que luxuriante : on côtoie pendant environ deux heures les vieux livres, les partitions de ukulélé, mais aussi les cendriers et les menus des restaurants branchés, sans compter les photos d’époques… Le tout dans un bordel organisé, ludique et où l’on est toujours bien orienté. Faire l’inventaire de ce qu’on y voit serait inutile, et d’ailleurs impossible. Si vous êtes attentif, vous y trouverez quelques surprises et trouvailles réjouissantes, qui se laissent découvrir tels des moai reposant sous les eaux. Une envie furieuse de vous rendre Rue de la Fontaine au Roi vous titillera peut être, car essayer la Vahiné, c’est l’adopter. 


Margot.

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